Le masculin et ses multiples sens : Un problème pour notre cerveau… et notre société


Résumés


L’utilisation dite générique de la forme grammaticale masculine en français et plus généralement dans les langues indo-européennes, comme par exemple le terme les étudiants pour désigner un groupe mixte, dénote une forme certaine d’androcentrisme. Tout d’abord, elle nous contraint à percevoir le monde au travers d’un prisme masculin. Ensuite, elle induit des représentations mentales biaisées, favorables aux hommes. Finalement, elle représente une asymétrie linguistique profonde, du fait que la forme masculine est associée à plusieurs sens possibles, alors que la forme féminine n’en a qu’un seul. Dans cet article, nous nous pencherons tout d’abord sur ces différents aspects, en étayant nos propos par des recherches récentes en psychologie du langage. Nous examinerons ensuite différentes formes d’écriture développées dans le but de pallier la domination du masculin, en questionnant leur potentiel inclusif, à la fois en termes de femmes et d’hommes mais également en termes de genre non-binaire.

The so-called generic usage of the masculine in French, or more generally in Indo-European languages, as in les étudiants [the studentsmasculine form] denotes a certain form of androcentrism. First, it forces us to perceive the world through a masculine prism. Then, it generates male biased representations, favorable to men. Finally, it represents a profound linguistic asymmetry, as the masculine form is associated to many meanings, whereas the feminine form has only one meaning. In this article, we will address these issues, and illustrate our arguments with recent research in the psychology of language. We will then discuss different linguistic forms aimed at countering the use of the dominant masculine form, question their potential inclusiveness, in terms of women and men but also in terms of non-binary gender.

Mots-clés : androcentrisme, langue, langage inclusif, épicène, féminisation du langage

Keywords: androcentrism, language, gender-fair language, epicene, language feminization

 

Introduction

Le langage est souvent considéré comme le miroir de notre société. Il n’en est pourtant pas qu’un simple reflet, car il joue également un rôle de catalyseur important pour notre manière de concevoir le monde. L’anthropologue Edward Sapir et son étudiant Benjamin Lee Whorf proposaient déjà dans la première moitié du 20ème siècle l’idée selon laquelle notre langue détermine notre manière de penser. Cette idée est connue sous le nom de relativisme linguistique, et peut se résumer comme suit : notre système langagier biaise – ou influence – notre catégorisation conceptuelle en nous forçant à prêter attention à certains éléments qui nous entourent. Cette idée a suscité un énorme intérêt au-delà même de la communauté scientifique, mais elle a également fait l’objet de vives critiques, notamment liées au fait qu’il semble peu probable que des processus cognitifs de bas niveau comme la perception des couleurs soient déterminés par le langage (voir Lucy, 1997, pour une discussion des problèmes méthodologiques liés au relativisme linguistique et McWhorter, 2016 pour une critique plus générale de cette théorie).

D’autres approches plus modérées, visant également à comprendre le lien entre langage et pensée, ont été proposées par la suite. L’une d’elles, développée par Dan Slobin (1996, 2003), offre une perspective particulièrement adaptée à la question qui nous occupe, à savoir l’influence de l’encodage du genre sur les représentations que nous nous en faisons. Sa théorie, connue sous le nom de thinking-for-speaking hypothesis, stipule tout d’abord que le langage est un dispositif nous permettant d’encoder, de manière conceptuelle, notre environnement (au sens large du terme). Du fait que cette conceptualisation du monde passe principalement par le langage, ce dernier attire inévitablement notre attention vers certaines propriétés de notre environnement. Le point intéressant pour la problématique qui nous intéresse est l’observation selon laquelle le langage nous conduit souvent à accentuer des différences qui ne sont pas pertinentes pour comprendre le monde.

Les travaux de Parzuchowski, Boçian et Gygax (2016) sur la forme diminutive polonaise -ska, qui signifie littéralement petit, illustrent bien l’idée de Slobin (1996, 2003). Dans leur travaux, Parzuchowski et al. (2016) montrent que les personnes ayant reçu une pièce de monnaie qui leur est présentée avec le diminutif –ska (en français, cette dénomination correspondrait grosse modo au terme piécette) sont moins contentes trois minutes plus tard que celles ayant reçu cette même pièce, mais présentée sans le diminutif. Pour les auteurs, cette différence s’explique par le fait que l’usage du diminutif a attiré l’attention des personnes ayant reçu la pièce sur sa faible valeur et les a inconsciemment conduites à la dévaloriser (selon une vision culturelle du type plus grand, c’est mieux).

Dans cette perspective, la marque grammaticale du genre constitue également un cas intéressant. Par définition, elle nous force constamment à activer le genre[1] masculin ou féminin, même lorsque celui-ci n’est pas pertinent pour comprendre un propos. Par exemple, dans les phrases La chirurgienne a réussi ses examens et Le chirurgien a réussi ses examens, la marque grammaticale du genre attire inévitablement notre attention sur le genre des personnes dont il est question. Pourtant, dans ces deux phrases, il est inutile de connaître le genre des personnes mentionnées pour comprendre qu’elles ont réussi leurs examens. De nombreuses études montrent que nous incorporons de manière spontanée le genre dans notre représentation mentale du discours, sans effort cognitif particulier (p.ex. Garnham, Oakhill, & Reynolds, 2002; Lassonde, 2015; Kennison & Trofe, 2003; Kreiner, Sturt, & Garrod, 2008; Pyykkönen, Hyönä, & van Gompel, 2010, Reynolds, Garnham, & Oakhill, 2006).

La catégorisation linguistique du genre dans de nombreuses langues comme le français pose un autre problème. Si le genre dans la phrase La chirurgienne a réussi ses examens est indiscutablement associé à une femme du fait que la marque grammaticale féminine se réfère exclusivement au genre féminin, la marque grammaticale masculine est au contraire ambiguë. Formellement, la marque grammaticale masculine peut soit se référer exclusivement au genre masculin – c’est le sens dit spécifique – mais elle peut aussi se référer à un groupe mixte, à une personne ou un groupe neutre, ou encore à une personne ou un groupe dont le genre n’importe pas. Il s’agit dans tous ces cas de figure du sens dit générique du masculin. Ce sens générique se décline lui-même en plusieurs sous-sens. Par exemple, la notion de groupe mixte peut servir à désigner un groupe composé pour moitié de femmes et pour moitié d’hommes, un groupe composé d’un homme et d’une majorité de femmes, d’une femme et d’une majorité d’hommes, etc. Même si l’on ne fait pas de distinction fine entre ces sous-sens (comme c’est le cas dans la majorité des études), le point important est que le genre masculin est de toute façon ambigu entre deux lectures : générique et spécifique. Dès lors, cette ambiguïté va indéniablement poser un problème à notre cerveau, qui doit constamment choisir le sens le plus pertinent, en fonction du contexte. Selon le modèle d’activation-sélection pour la résolution des ambiguïtés ou activation-selection model of ambiguity resolution (Gorfein, 2001; Gorfein, Brown & DeBiasi, 2007), ce choix se fait de manière relativement automatique, ce qui implique qu’il échappe à notre contrôle conscient. Il dépend des attributs liés aux différents sens d’un mot ou d’une structure grammaticale, ainsi qu’à leur pondération. Par pondération, nous entendons leur force d’activation, liée notamment à leur fréquence d’usage dans la langue.

La résolution de l’ambiguïté du masculin

A notre connaissance, toutes les études sur la résolution de l’ambiguïté sémantique liée à la marque grammaticale masculine (pour des revues de la littérature sur le sujet, voir notamment Gabriel & Gygax, 2016; Sato, Öttl, Gabriel, & Gygax, 2017; Stahlberg, Braun, Irmen & Sczesny, 2007) arrivent à une même conclusion : sans un contexte fort (voire très fort), le sens dominant qui est toujours activé à la lecture du genre masculin est le sens spécifique, dans lequel le genre masculin réfère majoritairement aux hommes. Fait relativement étonnant en psychologie, il n’existe pratiquement aucune controverse là-dessus. Même lorsque l’instruction donnée indique d’activer explicitement le sens générique du masculin, le sens spécifique est impossible à inhiber, et celui-ci précède même l’activation du sens générique (Gygax, Gabriel, Lévy, Pool, Grivel, & Pedrazzini, 2012). Ce résultat est concordant avec l’observation selon laquelle le sens spécifique du genre masculin est le premier à être enseigné aux enfants (Gygax, Gabriel, Sarrasin, Oakhill & Garnham, 2009), ce qui le rend plus familier et donc plus saillant dans leur esprit. En reprenant l’hypothèse Thinking-for-speaking de Slobin (1996, 2003), nous pouvons ainsi conclure que la forme grammaticale masculine attire invariablement notre attention vers le fait que la personne ou le groupe désigné par un masculin fait référence à un homme ou un garçon, ou encore à un groupe essentiellement constitué d’hommes ou de garçons. Et ceci indépendamment de l’intention de la personne qui s’exprime, qui souhaiterait peut-être utiliser la forme masculine pour désigner un groupe mixte ou neutre. Ainsi, il est impossible en français d’éviter que les destinataires d’un discours au masculin ne se forment une représentation mentale essentiellement constituée d’hommes.

Les implications cognitives et sociales de ce biais linguistique sont nombreuses, et elles sont toutes associées au prisme androcentrique de notre société. Par prisme androcentrique, nous entendons la propension à considérer les hommes comme étant la norme de notre espèce (Bem, 1993), et par conséquent à centrer notre vision du monde sur eux. Ce regard, déformant, est fortement nourri par l’utilisation de la forme masculine comme valeur générique (Gabriel, Gygax & Kuhn, 2018). Par exemple, nous pensons qu’il y a moins de femmes dans certains métiers lorsque ceux-ci nous sont présentés uniquement au masculin (par ex. Gabriel et al., 2008; Horvath, Merkel, Maass & Sczesny, 2015). Même pour des métiers qui ne sont pas stéréotypés du point de vue du genre, comme les musiciens, les enfants pensent tout de même que les hommes ont plus de chance d’y réussir que les femmes lorsque ceux-ci ne leur sont présentés qu’au masculin (p.ex. Vervecken et al., 2016). Ces effets se répercutent sur l’identité sociale des enfants, en les forçant non seulement à constamment activer le genre, mais en plus à l’activer d’une manière qui les dirige vers des représentations biaisées (Gabriel & Gygax, 2016). Par exemple, en étant exposée à un groupe ou un métier présenté au masculin, une fille va questionner sa légitimité au sein de ce groupe, ou même sa légitimité à exercer ce métier. Son sentiment d’appartenance va en être altéré, influençant ainsi ses motivations à réussir au sein du groupe ou dans le métier en question (Walton & Cohen, 2007).

Notons tout de même que l’utilisation de la forme grammaticale masculine comme valeur générique n’est pas le seul facteur générant un prisme androcentrique par le biais du langage. D’autres asymétries, comme l’utilisation de termes comme mademoiselle, impliquant une différenciation entre une femme mariée et une femme qui ne l’est pas (alors que cette différenciation n’est jamais faite pour un homme) participent également activement à ce prisme. Nous discuterons plus bas d’autres asymétries liées à l’encodage linguistique.

Afin d’éviter les biais liés à l’utilisation du masculin, différentes stratégies linguistiques de féminisation ou de neutralisation ont été proposées. Ces stratégies offrent des avantages certains, mais demandent également une certaine vigilance. Nous présenterons ces stratégies tour à tour dans les sections suivantes, ainsi que les études empiriques en psychologie du langage qui se sont penchées sur leurs effets, tout en gardant un regard critique quant à leurs possibles évolutions.

Stratégies de féminisation

La féminisation[2] désigne habituellement le fait de rendre explicite la présence possible de femmes (ou de filles) dans un groupe. Par exemple, au lieu de parler des chirurgiens, la féminisation consiste à utiliser des doublons (ou des formes dites pairées) comme des chirurgiennes et/ou des chirurgiens. De nombreuses études ont montré que cette forme a le mérite certain d’augmenter la visibilité des femmes dans la société, c’est-à-dire d’augmenter la présence perçue de femmes dans les groupes, que ce soit pour des adultes (p.ex. Braun, Gottburgsen, Sczesny & Stahlberg, 1998, en allemand; Gabriel, 2008, en norvégien) ou pour les enfants (Chatard, Guimond, & Martinot, 2005, en français).

Cette stratégie soulève tout de même quelques questions. Premièrement, elle impose un choix lié à l’ordre de mention. Devons-nous nommer les femmes ou les hommes en premier ? Si cette question peut paraître anodine, elle est en fait essentielle, car nos représentations des binômes sont liées à des facteurs sémantiques (par ex., Hegarty, Mollin, & Foels, 2016). Par exemple, nous mentionnons toujours la personne la plus âgée en premier lorsque l’âge est un facteur central dans la désignation d’un binôme, comme dans les expressions père et fils ou mère et fille. Pour le genre, l’androcentrisme discuté précédemment nous impose un ordre social hiérarchique qui consiste à placer les hommes en premier. Les exemples sont nombreux, comme dans les binômes mari et femme, Adam et Eve, Monsieur et Madame Untel ou encore dans des expressions telles que les différences entre hommes et femmes[3], et nous montrent à quel point le langage non seulement reflète les rapports sociaux, mais les nourrit également. En nommant constamment les hommes en premier, nous contribuons à appuyer leur position dominante et renforçons un modèle sociétal androcentrique et patriarcal (c.à.d. une société dans laquelle les femmes ont un statut plus bas et contrôlent moins de ressources que les hommes, selon Eagly & Wood, 1999, par exemple). Cet effet d’ordre de mention a pour corollaire que lorsque l’ordre habituel est inversé et les femmes sont nommées en premier, comme dans les mécaniciennes et les mécaniciens, nous nous représentons plus de femmes dans ces activités (p.ex. Gabriel, Gygax, Sarrasin, Garnham, & Oakhill, 2008) et nous les percevons comme plus centrales dans le discours (p.ex. Kesebir, 2017).

La solution des doublons implique également d’utiliser une forme féminine, ce qui induit des difficultés, car les formes féminines pour un certain nombre de métiers de prestige comme docteur, professeur ou ministre[4] ont été pendant plusieurs siècles supprimées de certaines langues comme le français. Ainsi, une objection souvent mentionnée contre l’utilisation de noms d’activités ou de métiers au féminin est que l’usage du féminin peut être perçu comme dévalorisant. Par exemple, une femme désignée comme étant une ministre plutôt qu’un ministre pourrait être perçue comme moins importante (voir Chatard et al., 2005 pour une discussion de la notion de prestige). Cette critique est elle-même l’écho d’un système patriarcal qui place les hommes dans une situation dominante et voit ainsi les formes féminines comme étant moins prestigieuses.

Les données scientifiques sur la perception des formes féminines offrent des résultats controversés. D’un côté, Vervecken et al. (2015) montrent que pour des enfants francophones entre 12 et 17 ans, la perception des métiers en termes de difficulté (physique et mentale), de salaire et d’importance ne dépend pas de la forme linguistique utilisée pour les présenter, en d’autres termes le fait de les introduire comme les physiciennes et les physiciens ou simplement les physiciens. A contrario, Vervecken et Hannover (2015) ont trouvé que des enfants hollandais de 10 ans perçoivent une baisse du statut social lorsque les métiers sont présentés sous forme de doublons, tout en montrant que les filles et les garçons se sentent plus capables d’entreprendre des métiers présentés sous cette forme. L’effet négatif des doublons a également été trouvé chez des adultes allemands et italiens par Horvath, Merkel, Maass et Sczesny (2015). En effet, ces adultes activent certaines associations dénigrantes lorsque les métiers sont présentés sous forme de doublons, particulièrement pour les métiers stéréotypés féminins. Formanowicz, Cislak, Horvath et Sczesny (2015) suggèrent que cet effet pourrait simplement être lié à la fréquence d’usage de ces termes. En effet, ces associations négatives pourraient être liées à la faible fréquence d’utilisation des formes féminines et des doublons. Dans les pays où les formes inclusives existent depuis plus de trois décennies comme par exemple l’Autriche, celles-ci ne sont plus – ou presque plus – connotées négativement. Ainsi, refuser de féminiser des noms de métier pour ne pas dévaloriser les femmes en revient à perpétuer les inégalités en refusant d’ajuster la langue à l’évolution des mœurs. C’est un cercle vicieux qu’il convient de briser afin de faire évoluer l’usage et faire ainsi progressivement disparaître les connotations négatives dues au manque de familiarité avec ces termes.

Un troisième argument souvent invoqué contre l’utilisation de doublons est leur manque d’esthétisme et leur lourdeur, ou plus globalement la charge cognitive qu’ils imposent. Si les notions d’esthétisme et de lourdeur sont difficilement quantifiables, elles sont indéniablement liées aux habitudes de lecture. Gygax et Gesto (2007) ont ainsi montré que dans un texte, la vitesse de lecture – prise comme signal de la difficulté à traiter les informations présentes dans le texte – redevenait normale déjà à la troisième occurrence d’un doublon. Ces formes ne posent ainsi à terme pas de difficulté pour la lecture. Les raisons d’un ralentissement à la première occurrence d’un doublon ne sont en revanche pas claires. Il pourrait être lié à un effet de surprise, ou au fait que la construction d’une représentation plus riche (c.à.d. pas uniquement masculine) demande plus de ressources cognitives. En tous les cas, cette étude indique que la présence de doublons ne semble pas porter préjudice à la lisibilité d’un texte dans son ensemble.

Une dernière critique formulée à l’encontre de l’usage de doublons, cette fois-ci du point de vue de la défense de l’égalité entre les genres, porte sur la représentation binaire du genre qu’ils impliquent (Gabriel & Gygax, 2016). En effet, si l’utilisation de doublon semble être un moyen efficace pour augmenter la visibilité des femmes, il attire également notre attention sur la binarité du genre femmes-hommes, qui ne correspond plus du tout à notre société. Le genre – tout comme le sexe (Hegarty, Ansara, & Barker, 2018) – est un continuum, et si les catégories femmes et hommes peuvent être considérées comme des pôles, elles ne peuvent et ne doivent pas être considérées comme les seules catégories existantes. D’autres formes de langage inclusif comme la neutralisation, que nous discutons dans la section suivante, échappent à cette dernière critique, et par définition, se rapprochent probablement plus de ce que l’on pourrait appeler le langage inclusif.

Stratégies de neutralisation

La notion de neutralisation est relativement complexe, tant elle se réfère à des formulations différentes, selon les contraintes imposées par les différentes langues. De manière générale, elle constitue une manière de ne pas expliciter la composition du groupe, ou la personne, en termes de genre. Dans certains cas, comme en allemand, la neutralisation désigne l’utilisation d’un troisième genre grammatical, la forme neutre, comme dans das Kind (l’enfant). Dans d’autres cas, la neutralisation désigne l’utilisation d’épicènes, termes qui se rapportent aussi bien aux femmes, aux hommes et à toute personne, quelle que soit son identité de genre. Le terme une personne en est un parfait exemple. Notons tout de même que dans une société androcentrique comme la nôtre, certains épicènes comme humain (Wyrobková, Gygax, & Macek, 2015) ont tendance à être interprétés comme étant plutôt masculins. Notons également que certains mots épicènes comme poète ne l’ont pas toujours été, car pendant plusieurs siècles, la forme féminine poétesse a été utilisée sans sa connotation négative actuelle.

La neutralisation désigne également le fait d’utiliser un mot désignant un groupe pour éviter d’expliciter sa composition exacte en termes de genre. Par exemple, on peut préférer la formulation la population migrante à l’utilisation du doublon les migrantes et migrants. Même si le sens exact de ces deux formulations n’est pas tout à fait le même, cette différence n’est souvent pas problématique. Toutefois, ce type de formulation n’a à notre connaissance reçu aucune attention en psychologie du langage, contrairement à trois autres stratégies de neutralisation utilisées dans d’autres langues et que nous allons maintenir décrire, à savoir la nominalisation en allemand (p.ex. Sato, Gygax, & Gabriel, 2016), la disparition de toutes les formes féminines en norvégien (p.ex. Gabriel & Gygax, 2008; Gabriel, Behne, & Gygax, 2017), et l’apparition de pronoms neutres en suédois (p.ex. Gustafsson-Sendén, Bäck & Lindqvist, 2015).

Dans leur étude sur l’allemand, Sato et al. (2016) ont testé la manière dont les formes nominalisées plurielles dérivées d’adjectifs et de participes passés, comme par exemple die Studierenden (littéralement les personnes en train d’étudier) étaient représentées en termes de genre. Pour ce faire, des paires de mots constituées d’un mot représentant une personne dont le genre était connu (p.ex. une sœur) et d’un nom de rôle au masculin pluriel ou nominalisé (p.ex. die Studentenmasculin/die Studierendenominalisé) étaient présentées. Les participantes et participants devaient simplement décider, pour chaque paire, si la personne représentée par le premier mot pouvait faire partie d’un groupe représenté par le deuxième. Par exemple : Est-ce qu’une sœur peut faire partie d’un groupe d’étudiants/de personnes en train d’étudier ? Les résultats montrent que lorsque le nom de rôle est au masculin, un terme servant à désigner une femme est plus difficile à lui associer. Par contre, lorsque le terme est sous sa forme nominalisée, cette difficulté n’apparaît pas : les termes désignant des femmes sont aussi faciles à associer aux noms de rôles que ceux désignant des hommes. La nominalisation en allemand semble donc constituer une stratégie de neutralisation efficace, mais son utilisation ne peut s’appliquer qu’aux noms de rôles dérivés de verbes ou d’adjectifs.

La Norvège a quant à elle tenté dès les années 1980 de neutraliser la forme grammaticale masculine en supprimant les marques grammaticales féminines (Norsk Språkråd, 1997). L’idée était relativement simple : si la forme féminine n’existe plus, la forme masculine devient la forme unique, la rendant ainsi neutre. Cette réforme pourrait paraître de prime abord drastique et dirigée contre les femmes en les rendant linguistiquement invisibles (comme l’a souhaité l’Académie française au XVIIe siècle pour le français). Pourtant, l’intention était clairement égalitaire, et cette réforme linguistique a d’ailleurs été accompagnée par d’autres mesures de promotion de l’égalité entre femmes et hommes. Gabriel et Gygax (2008) ainsi que Gabriel et al. (2017) ont voulu tester les effets d’un tel changement linguistique, plus de 20 ans après son introduction. Dans ces deux études, lorsque des noms de rôles stéréotypés féminins comme par exemple Sjukepleierne (infirmiers) étaient présentés, les représentations mentales qu’ils généraient étaient féminines en dépit de la forme grammaticale masculine. Pour les noms de rôles stéréotypés masculins comme Statistikerne (statisticiens), les représentations mentales qu’ils généraient étaient masculines. Par contre, les représentations mentales des noms de rôle sans stéréotypes comme Musikerne (musiciens) étaient essentiellement masculines, signalant ainsi un effet persistant et masculinisant de la forme grammaticale masculine. Il est difficile de juger du temps nécessaire pour qu’une réforme puisse éradiquer complétement le sens spécifique du masculin, si tant est que cela soit possible. L’effet de la réforme norvégienne a sans doute été d’autant plus limité que la forme grammaticale féminine existe toujours dans certaines variantes dialectales de cette langue. Ainsi, l’éradication du féminin sur le modèle norvégien offre pour le moment des résultats mitigés.

Une dernière option de neutralisation, proposée relativement timidement dans les années 1960 en Suède, est le pronom neutre hen dérivé du finnois et complétant les pronoms suédois hon (elle) et han (il). Ce pronom a été réintroduit par Jesper Lundqvist dans un livre pour enfant en 2012. Gustafsson-Senden et al. (2015) retracent l’évolution de ce nouveau pronom neutre de 2012 à 2015, notamment son niveau d’acceptation par les autorités suédoises, ainsi que par la population suédoise en général. Leurs résultats indiquent que si ce pronom était initialement critiqué en 2012 – une partie de la population pensait qu’il poserait des problèmes d’identité de genre aux enfants – et était associé à des attitudes plutôt négatives, il était devenu plus largement accepté en 2015, et était associé à des attitudes très positives. Notons qu’en français, comme le relate Elmiger (2017), certaines communautés (p.ex. LGBT QI+) ont commencé à utiliser de nouvelles formes de pronoms neutres comme iel/iels au lieu de il ou elle/ils ou elles afin de s’affranchir des formes genrées actuelles. A notre connaissance, personne n’a encore étudié la perception de ces nouvelles formes en français.

La féminisation : une question de société

Comme nous venons de le voir, les stratégies de féminisation (ou de démasculinisation) et de neutralisation du langage sont relativement nombreuses, innovantes et offrent des possibilités de langage inclusif intéressantes. Pourtant, elles se heurtent encore à des barrières sociétales importantes. Certaines d’entre elles ont même fait l’objet d’études en psychologie. Nous relatons dans cette section quelques résultats et observations intéressantes qui en découlent.

Notons tout d’abord que dans la communauté francophone, et particulièrement en France, de nombreuses voix s’élèvent encore contre la féminisation dans le but déclaré de protéger le français. Cette attitude repose sur une vision historiquement erronée de la langue (voir par exemple Cerquiglini 2018 pour un exposé complet de cette question). En effet, jusqu’au 17ème siècle, certaines formes dites inclusives comme les doublons étaient couramment utilisées (voir p. ex. Viennot, 2014; Moreau, 1999) et certaines règles grammaticales comme l’accord de proximité (qui s’oppose à l’accord au masculin par défaut utilisé dans le français moderne) existaient encore. La masculinisation du français, et notamment la disparition de termes féminins comme autrice et les changements de règles grammaticales visant à asseoir la forme grammaticale masculine comme dominante, a été introduite par certains grammairiens et appuyée par l’Académie française dès le 17ème siècle. A cette époque, la masculinisation du langage ne faisait pourtant pas l’unanimité, et était notamment condamnée par certains auteurs dans le but même de protéger le français. Le paradoxe est flagrant : les personnes qui souhaitent protéger le français aujourd’hui le font pour des raisons opposées à celles qui souhaitaient le protéger au 17ème siècle. Ainsi, les motivations soi-disant protectionnistes actuelles constituent une forme irrationnelle de résistance au changement, visant à conserver une norme androcentrique (et sexiste) qui ne correspond qu’à une certaine période de l’histoire du français. D’un point de vue linguistique, rien ne s’oppose à la féminisation dans une langue comme le français (Cerquiglini, 2018). En plus de ce désir somme toute paradoxal de vouloir protéger le français en l’empêchant de s’ajuster à la réalité sociétale du 21ième siècle, deux autres freins principaux à l’encontre de l’utilisation de formes inclusives ont été discutés et étudiés en psychologie.

Premièrement, l’usage de la forme grammaticale masculine unique étant encore beaucoup plus fréquent que d’autres formes considérées comme plus inclusives, notre cerveau n’est pas habitué à ces nouvelles formes, rendant leur utilisation plus compliquée. De fait, afin de pouvoir les utiliser, notre cerveau doit constamment contrôler les formes générées et vraisemblablement inhiber une activation automatique de la forme masculine, qui est la plus habituelle. Toutefois, cette utilisation du masculin par défaut peut être corrigée et de nouvelles habitudes sont relativement faciles à instaurer. Certaines autrices comme Koeser, Kuhn et Sczesny (2015), ont ainsi montré qu’il suffisait d’être exposé à des formes inclusives pour ensuite les utiliser soi-même de manière relativement spontanée. Après avoir été exposées à des textes utilisant des doublons, les participantes de leur étude semblaient plus enclines à utiliser elles-mêmes des doublons de manière spontanée. Pour les participants, les résultats étaient les mêmes, mais seulement lorsqu’il leur était rappelé que les textes utilisaient des doublons (étude #2). En norvégien, Kuhn, Koeser, Torsdottir et Gabriel (2014) ont également montré que les participantes et participants utilisaient plus de formes non-marquées après avoir lu des textes comprenant ces mêmes formes.

Même si cette exposition semble pouvoir encourager l’utilisation de formes inclusives à l’avenir, un autre élément important à prendre en compte est le fait que certaines personnes gardent des attitudes très négatives à leur encontre. En anglais, Prentice (1984) a montré par exemple qu’un rappel régulier des formes inclusives (par ex. he or she au lieu de he) augmente l’utilisation spontanée de ces formes, mais sans pour autant changer les attitudes négatives envers elles. Dans la même veine, Koeser et Sczesny (2014) montrent que la présentation d’arguments en faveur du langage inclusif peut influencer positivement son utilisation, sans pour autant changer les attitudes envers des changements de pratiques langagières. Sarrasin, Gabriel, and Gygax (2012) montrent par ailleurs que – en français et en allemand – plus les attitudes envers ce type de langage sont négatives, moins les personnes sont capables de reconnaître l’existence de formes sexistes dans le langage. Certaines autrices et auteurs avancent que la relative imperméabilité des attitudes envers des changements de pratiques langagières semble être ancrée dans des attitudes plus globales envers les femmes, comme des formes de sexisme (p.ex. Sarrasin et al. 2012; Sczesny et al., 2015) ou des idéologies justifiant le système en place (Douglas & Sutton, 2014). Il apparaît donc que certains changements de pratiques langagières doivent vraisemblablement être précédés par des remises en question de l’ordre établi ou du système en place. A notre connaissance, il n’existe que peu d’études sur ce sujet – mises à part celles que nous venons de présenter – ce qui rend difficile la compréhension des mécanismes sous-jacents aux changements possibles d’attitudes envers le langage inclusif. Il est à espérer que de telles études verront le jour et nous permettront d’affiner encore davantage notre compréhension des mécanismes à l’œuvre dans ces évolutions.

Conclusion

Les nombreux travaux en psychologie expérimentale menés ces dernières décennies indiquent de manière convergente que l’usage de la forme grammaticale masculine influence nos représentations mentales du genre. L’utilisation du masculin comme valeur par défaut attire indubitablement notre attention vers l’idée qu’il désigne plutôt des hommes, quelles que soient les différentes interprétations possibles du masculin. Dans le cas du français, force est de constater que les mesures prises par les grammairiens du 17ème siècle ainsi que par l’Académie française pour écarter les femmes de la place publique en opérant des changements langagiers produisent toujours des effets quelques quatre siècles plus tard. Même si la grammaire du français contemporain prévoit que le genre grammatical masculin puisse être interprété (et utilisé) de différentes manières, cette polysémie pose un défi de taille à notre cerveau, qui doit constamment déterminer de quel sens il est question. La fréquence d’utilisation du sens spécifique du masculin (masculin = homme) ainsi que la séquence d’apprentissage entre les différents sens liés au masculin (le sens spécifique est appris en premier) expliquent relativement facilement la tendance de notre cerveau à activer automatiquement – sans que nous en ayons le contrôle – son sens spécifique.

Afin de corriger ce biais, plusieurs formes linguistiques ont été proposées sous l’égide de mouvements en faveur du langage inclusif pour démasculiniser la langue et améliorer la visibilité des femmes dans la société. Nous pensons que cette visibilité est très importante, surtout pour changer l’idée selon laquelle la société tourne autour des hommes (c.à.d. une société androcentrique). A terme, et ceci est important pour nos enfants, la diversité des représentations des métiers engendrée par le langage inclusif peut amener notre société à un meilleur partage des ressources, nous éloignons ainsi du patriarcat actuel.

Certaines formes visent également à éviter l’activation permanente de la binarité de genre, tant celle-ci ne correspond plus à nos réalités sociétales (elle n’a probablement jamais correspondu à notre société). Néanmoins, si certaines stratégies de langage inclusif comme les doublons ont le mérite d’augmenter la visibilité des femmes dans la société (et de générer toute une série d’implications pratiques), elles ne contribuent pas à la disparition de la binarité de genre. Pour cela, d’autres stratégies, notamment de neutralisation, semblent plus adaptées.

Qu’il s’agisse de féminisation ou de neutralisation, toutes les nouvelles formes linguistiques présentent certains défis et rencontrent différents obstacles.  Par exemple, leur utilisation étant encore relativement faible, ce manque d’exposition les rend plus compliquées à utiliser que les formes masculines, qui sont plus habituelles. Comme le montrent quelques études discutées dans cet article, une exposition croissante à ces formes devrait toutefois permettre de faciliter leur traitement, et ainsi encourager leur utilisation.

Notons encore que certaines formes semblent générer plus de controverses que d’autres, par exemple les formes dites contractées comme les étudiant·e·s subtil·e·s (par ex., Pech, 2017). Nous n’avons pas abordé ces formes dans cet article, tant elles n’ont pratiquement jamais fait l’objet d’études en psychologie, exception faite de l’étude de Chatard et al. en 2005. Dans leur étude, des offres d’emploi présentées à des adolescentes et adolescents sous une forme contractée (à savoir la forme étudiant(e), disparue depuis) ou épicène[5] (étudiant/étudiante) induisait, notamment, une confiance plus importante dans leur capacité à réussir des études leur permettant d’exercer ces professions. Notons tout de même que les formes contractées sont vraisemblablement nées de demandes liées au besoin de limiter le nombre de signes dans certains textes (par exemple sur internet ou dans les journaux). Nous pensons néanmoins – mais ceci devrait faire l’objet d’études empiriques – que les formes discutées dans cet article sont plus à même de faire contrepoids à la masculinisation de la langue (française notamment), et sont plus représentatives de ce que l’on entend par le terme langage inclusif.

Nous pensons également, comme d’autres, que des changements orthographiques et grammaticaux sont nécessaires afin d’améliorer l’introduction du langage inclusif en français. Par exemple, il nous paraît nécessaire de revenir à l’accord de proximité qui existait jusqu’au 17ème siècle, ce qui faciliterait l’accord des adjectifs et des participes passés et éradiquerait le biais de l’accord au masculin (par ex. les mécaniciens et mécaniciennes courageuses). D’autres changements peuvent aussi être envisagés, comme la transformation de tous les adjectifs en -il et -ul (par ex., vil, subtil ou nul) en adjectifs épicène, comme futile, fragile ou ridicule. Ces changements orthographiques sont relativement simples et auraient l’avantage de permettre un usage plus aisé des modifieurs de groupes mixtes (les hommes et les femmes subtiles, par exemple, au lieu de subtil·e·s).

Pour terminer, rappelons que le langage inclusif, qui est une réponse à une masculinisation de la langue vieille de quelques siècles, reflète une démarche visant l’égalité entre femmes et hommes tout d’abord, mais également pour certaines formulations l’égalité entre toutes les personnes, quel que soit le point où elles se situent sur le continuum du genre.

 


Auteur & autrices


Pascal Gygax
Université de Fribourg, Suisse
[pascal.gygax@unifr.ch]

Ute Gabriel
Norwegian University of Science and Technology, Trondheim, Norvège
[ute.gabriel@ntnu.no]

Sandrine Zufferey
Université de Berne, Suisse
[sandrine.zufferey@rom.unibe.ch]

 


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Notes


[1] Par le terme genre, nous nous référons principalement à l’injonction normative visant à catégoriser les humains en femmes et hommes, mais nous discuterons également plus bas de la catégorie du genre dans sa continuité.

[2] Comme le dit Eliane Viennot (2014), nous devrions plutôt parler de démasculinisation, tant les changements opérés au fil des siècles en français (mais dans d’autres langues également) visaient à masculiniser la langue, principalement pour signaler aux femmes que certains métiers ne leur étaient pas accessibles.

[3] Voir Hegarty et al. (2016) pour le seul contre-exemple : Mesdames et messieurs.

[4] Burnett & Bonami (2018) présente un argumentaire fascinant sur Madame le/la ministre

[5] Terme utilisé par les auteurs et l’autrice.